Les critères d'application en France du taux réduit de TVA lié au caractère "créatif" des photographies d'art n'étaient pas conformes au droit de l'Union européenne. C'est ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne a statué à Luxembourg. A l'origine du débat, une possible distorsion entre le droit français et le droit européen vis-à-vis de l'application du taux réduit de TVA aux photographies d'art. En matière de TVA, les photographies sont considérées comme des " photographies d'art " bénéficiant du taux réduit lorsqu'elles sont " prises par l'artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et tous supports confondus " (article 98 A, II, 7° de l'annexe III du Code général des impôts).
Dans ces conditions prévues par la directive TVA (directive 2006/112 du 28 novembre 2006, article 103, 2, b et annexe IX, partie A, 7), l'administration fiscale française a ajouté que " ne peuvent être considérées comme œuvres d'art que les photographies qui témoignent d'une intention créatrice manifeste de la part de leur auteur " (BOFIP - BOI-TVA-SECT-90-10 §280).
Ainsi, sur la base de cette doctrine, l'administration fiscale devait apprécier le caractère artistique de la photographie permettant à son auteur d'être qualifié d'artiste et de bénéficier du taux réduit de TVA. Dans ce contexte, l'administration a remis en cause le taux réduit de TVA appliqué par la société " Regards Photographiques " pour la vente de portraits et de photographies de mariage, au motif que ceux-ci ne révéleraient aucune intention créative, ni n'intéresseraient aucun public. A la suite d'un contentieux engagé par la société, le Conseil d'Etat a interrogé la Cour de Justice de l'Union Européenne sur l'interprétation à donner aux dispositions en question.
En conséquence, la France doit revoir sa doctrine administrative sur les taux réduits de TVA pour les photographies d'art. La Cour a d'abord précisé que la notion d'" artiste ", visée à l'annexe IX de la directive TVA, ne pouvait être comprise par une personne distincte de l'auteur de l'œuvre, tel que visé par la directive elle-même (CJUE, 5 septembre 2019, C-145/18). Elle a également rappelé que si les dispositions relatives au taux réduit font l'objet d'une interprétation stricte, l'interprétation retenue ne doit pas priver la disposition de ses effets.
Plus intéressant encore, la Cour a censuré la doctrine. Elle considère que la détermination du caractère artistique d'une œuvre était soumise à une appréciation par l'administration fiscale sur la base de critères " vagues et subjectifs ". L'application de ces critères ne garantissait ni le respect de la sécurité juridique, compte tenu de la marge d'appréciation laissée par l'administration fiscale, ni la neutralité fiscale. En effet, deux photographies objectivement identiques pourraient être taxées différemment, comme l'a relevé l'avocat général.
L'administration fiscale a ainsi perdu son rôle de critique d'art et a été contrainte de modifier les critères fixés par sa doctrine.
Pour plus d'informations, merci de contacter Karolina Blasiak: k.blasiak@rosemont-mc.com
Credit Pictures : Cour de justice de l'Union européenne à Luxembourg
Source : http://www.fiscalonline.com/Condamnation-de-la-legislation.html