France & bénéficiaires effectifs: introduction de la radiation automatique et le signalement obligatoire des discordances

04/07/2025

Entrée en vigueur le 15 juin 2025, la France a considérablement renforcé son dispositif de transparence sur les bénéficiaires effectifs grâce à la Loi n° 2025-532 du 13 juin 2025. Cette réforme législative renforce l'application des règles de lutte contre le blanchiment de capitaux (LCB) en introduisant un mécanisme automatique de radiation administrative pour les entreprises non conformes, ainsi qu’une obligation de déclaration pour les professionnels soumis aux obligations LCB.

 

Un tournant vers une application plus stricte

La loi corrige deux faiblesses majeures de l’ancien système :

  • l'absence de conséquences significatives pour les entreprises qui omettaient de déclarer ou de mettre à jour leurs données relatives aux bénéficiaires effectifs ;

  • et l’utilisation insuffisante des informations détenues par les professionnels assujettis aux obligations LCB (avocats, notaires, experts-comptables, établissements financiers...).

Auparavant, les entreprises qui ne transmettaient pas d’informations exactes sur leurs bénéficiaires effectifs s’exposaient à des injonctions judiciaires ou à de faibles sanctions rarement appliquées. Désormais, le défaut de déclaration ou de mise à jour peut entraîner une radiation automatique du Registre du commerce et des sociétés (RCS).

 

Qui est concerné ?

L’obligation de déclaration des bénéficiaires effectifs concerne toutes les sociétés immatriculées en France dont les titres ne sont pas admis sur un marché réglementé, ainsi que les groupements d’intérêt économique (GIE).
Ces entités doivent déposer et tenir à jour leurs informations relatives aux bénéficiaires effectifs auprès du RCS, conformément à l’article L. 561-46 du Code monétaire et financier.

 

Motifs de radiation automatique

La loi prévoit trois cas dans lesquels le greffier du tribunal de commerce peut radier une société du RCS sans décision judiciaire :

  1. Défaut de déclaration ou de mise à jour des informations sur les bénéficiaires effectifs
    Si une société ne répond pas dans un délai de trois mois à une mise en demeure envoyée en recommandé, le greffier peut engager une procédure de radiation.
    La réinscription reste possible si la société régularise sa situation, selon des modalités fixées par décret.

  2. Signalement d’une discordance par un professionnel assujetti aux obligations LCB ou une autorité
    Si un professionnel (notaire, comptable, banque...) ou une autorité identifie une discordance entre les données déclarées au RCS et les informations recueillies dans le cadre de son activité, il doit en informer le greffier. Celui-ci adressera alors une demande formelle de rectification à la société.
    En l’absence de régularisation dans un délai de trois mois, la société peut être radiée.
    À noter : aucun droit à réinscription n’est prévu explicitement dans ce cas.

  3. Inexécution d’une injonction judiciaire
    Si une société ne se conforme pas à une décision de justice lui enjoignant de déposer ou mettre à jour ses informations, elle peut également être radiée après trois mois.
    Là encore, aucun droit à réinscription n’est expressément prévu.

⚠️ La radiation est de nature administrative : la société conserve sa personnalité juridique, mais perd la capacité d’exercer ses activités (ex. : conclure des contrats, émettre des factures) tant qu’elle n’est pas réinscrite.
Le greffier doit également notifier la radiation à l’INPI et au procureur de la République.

 

Obligation de signalement pour les professionnels LCB

La loi introduit une nouvelle obligation pour les professionnels soumis aux obligations LCB, appelés personnes assujetties (article L. 561-2 du Code monétaire et financier) : avocats, notaires, experts-comptables, établissements financiers, etc.
Ces professionnels doivent désormais :

  • vérifier activement les informations de bénéficiaires effectifs déclarées par leurs clients ;

  • les comparer avec celles qu’ils obtiennent dans le cadre de leur activité ;

  • signaler toute discordance au greffier du tribunal de commerce.

Le greffier adressera alors une demande officielle de correction via le guichet unique des formalités d’entreprises. Si l’entreprise ne régularise pas la situation dans un délai de trois mois, elle pourra être radiée.

La loi ne fixe pas de délai précis pour signaler une discordance, mais le signalement devient obligatoire dès la constatation de l’écart.
Ne pas le faire expose le professionnel à des sanctions disciplinaires et à une responsabilité juridique en cas de lien avec du blanchiment ou de la dissimulation de patrimoine.

 

Conséquences pour les entreprises et les conseillers

Cette réforme marque un durcissement majeur des obligations de conformité :

  • Les entreprises doivent vérifier immédiatement les données relatives à leurs bénéficiaires effectifs, s’assurer qu’elles sont à jour et préparer une réponse rapide en cas de demande ou mise en demeure.

  • Les professionnels LCB doivent adapter leurs procédures internes pour identifier, documenter et signaler sans délai toute incohérence constatée.
    Le non-signalement peut entraîner des sanctions graves.

 

La Loi n° 2025-532 constitue un tournant majeur dans le régime français de lutte contre le blanchiment.
Avec la mise en place de radiations automatiques et de signalements obligatoires, la responsabilité s’alourdit pour les entreprises comme pour les professionnels.
Tenir à jour les données de bénéficiaires effectifs n’est plus une simple formalité — c’est désormais une exigence légale et opérationnelle incontournable.


Pour plus d'informations, merci de contacter Stephane Alexandre, Head of Legal: s.alexandre@rosemont.mc